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« On ne conduit le peuple qu'en lui montrant un avenir : un chef est un marchand d'espérance.»
Napoléon Bonaparte

mercredi 16 juillet 2014

L’inéluctabilité de la transition énergétique

La controverse sur l’existence et l’ampleur du réchauffement climatique est importante. Pour certains il est urgent d’agir avant que le climat de notre planète change drastiquement, pour d’autres ce réchauffement existe mais il est limité, à l’inverse un courant de pensée tend à dénoncer l’idée même de réchauffement climatique. Evidemment certains ont raison, d’autres tort. Mais le réchauffement climatique n’est pas le seul argument qui rend la transition énergétique indispensable. En effet les ressources de la planète sont limitées, particulièrement pour les énergies fossiles, et la dépendance à ces énergies limite notre indépendance énergétique en nous obligeant à des relations extérieures contraires aux canons de la République.

Réduire la dépendance vis-à-vis des grands producteurs de pétrole et de gaz peut passer par l’utilisation de gaz de schistes. Mais les arguments contre cette énergie sont nombreux : ces gaz sont difficiles à extraire de la roche, les méthodes actuelles sont terriblement polluantes, leurs utilisations ne diminuent en rien les émissions de gaz à effet de serre, et cette ressource n’est qu’un pis-aller temporaire. Si une méthode d’extraction non polluante est mise en place les gaz de schistes peuvent être acteurs d’une transition énergétique mais certainement pas un but à rechercher.

Plusieurs pistes sont à étudier pour remplacer les énergies fossiles, la première est l’électricité, dont il faut définir les sources, suivent l’hydrogène (difficile à maîtriser), les biocarburants, et quelques autres...

L’électricité a l’immense avantage d’être déjà largement utilisée et d’avoir un réseau de diffusion existant. Elle ne nécessite donc pas de révolution mais simplement un développement de son utilisation et un renouvellement des sources. A contrario l’électricité a un inconvénient non négligeable : son stockage est très difficile, voire impossible à grande échelle. Cependant des solutions existent comme le stockage d’énergie potentielle dans les barrages à l’aide de pompes qui remontent l’eau. En 2012 la France a produit 541,4 TWh d’électricité, dont 8,8% à partir de combustible fossile, soit 5% de ses émissions en CO2. Ce sont en premier lieu pour ces centrales thermiques qu’il faut trouver des solutions compétitives, à la fois économiquement mais surtout au niveau de l’utilisation. En effet ces centrales thermiques sont principalement utilisées lors des pics de consommations. Mais encore plus que la production d’électricité, ce sont pour les autres utilisations des énergies fossiles qu’il faut apporter des solutions : transports (26% des gaz à effets de serre (GES)*), industrie (20%*), les bâtiments (18%*). L’agriculture est une importante source de GES (21%*), mais moins de 2%(**) des émissions en CO2, à ce titre elle doit être traitée à part et ses émissions en CO2 doivent diminuer avec les mesures prises sur les secteurs du transport et du bâtiment.

L’industrie a déjà fait de sensibles progrès durant les deux dernières décennies. Les nouvelles évolutions pourraient être la réduction des rejets par l’utilisation du CO2 produit à travers, par exemple, la production de pétrole de synthèse, et, bien sûr, un changement de nos modes de consommation pour aller vers des produits à empreinte environnementale réduite. 

Les transports sont un des grands défis et plusieurs choix sont possibles : aller vers le tout électrique, attendre la voiture à hydrogène ou d’autre alternatives, s’appuyer sur des carburants de synthèses (attention au piège de certains biocarburants déjà dénoncés ici) ou sur des voitures à faible consommation, sans oublier les transports en commun et la réduction de nos déplacements inutiles. Bien entendu un mixte de ces solutions est certainement la meilleure des options.

Le secteur du bâtiment est complexe, il s’agit d’isoler mieux, de chauffer plus efficacement, de moins climatiser, de gagner en efficacité partout. Mais si renouveler le parc automobile français ne prend que quelques années (âge moyen environ 8ans), le renouvellement du parc immobilier est de l’ordre de plusieurs siècles, bien trop long. Il faut donc inciter à la rénovation autant que sur la construction de bâtiments neufs. Environ 36% de l’énergie consommée par les bâtiments est d’origine fossile, le plus simple semble de transformer cette part en énergie renouvelable (exemple: chauffe-eau solaire) et en électricité.

Aujourd’hui l’électricité représente environ 44% de la consommation énergétique, si cette énergie est utilisée en remplacement des énergies fossiles elle deviendra donc l’énergie majoritaire. Il est donc important de l’étudier en détail. Ajoutons que l’électricité peut être utilisée en tant qu’intermédiaire vers d’autres énergies : hydrogène, gaz sous pression,...

Notre pays, par la variété de ses paysages, offre diverses possibilités d’utilisation de l’énergie hydroélectrique. Depuis les barrages éclusés ou réservoirs permettant une régulation de la production et un stockage d’énergie jusqu’aux barrages au fil de l’eau, toutes les régions sont concernées. Représentant environ 11% de la production électrique française, le nombre de grands barrages est probablement proche de son maximum : des conditions géographiques contraignantes doivent être réunies pour permettre une installation. Mais il est possible de développer cette source d’énergie en multipliant le nombre de micro-installations. Ces petits barrages peuvent parfaitement s’intégrer dans nos paysages en épousant, entre autre, les anciens emplacements des moulins à eau, en recréant des zones humides qui viennent à manquer pour la biodiversité, et en luttant contre la sécheresse en servant de réservoirs. De plus ces barrages, particulièrement efficaces en période de fortes précipitations et de fonte des neiges, complètent d’autres énergies renouvelables qui nécessitent du soleil. Enfin ces sources décentralisées permettent de substantielles économies dans le transport d’électricité, transport durant lequel environ 2.,5% de l’énergie produite est perdue. 

En développement depuis quelques décennies, d’autres énergies renouvelables représentent l’avenir. En 2012, les éoliennes ont produit 2,8% de l'électricité française, ce chiffre est bien faible mais ne représente pas le potentiel de cette source : il ne reflète que le retard pris par la France dans le développement de puissants parcs éoliens. Comme toujours les arguments en la défaveur de ces grandes dames blanches sont nombreux : ne produisant que lorsqu’il y a du vent, s’arrêtant si ce même vent devient trop fort, dénaturant les paysages, déstabilisant les oiseaux, coûteux à la production et l’entretien, polluant à la fabrication... Pourtant ces fiers moulins des temps modernes sont promis à des ruptures technologiques importantes : rendement et vents limites augmentés, les installations en mer les rendent invisibles au terrien et loin de tout espèce aviaire, bientôt flottante... La production, l’entretien et la gestion de la fin de vie peuvent être nationales et, ou européennes, contrôlées, non polluantes et créatrices d’emplois. Mais pour avoir accès à ces technologies de demain il faut inciter les industriels à investir. Nous sommes en bonne voie: plus de 3500 MW sont en cours d’installation, mais l’effort doit être constant.

Encore plus contesté que l’éolien, le photovoltaïque a bénéficié pour son développement chez les particuliers de crédits d’impôts trop importants et d’un prix de rachat de l’électricité par EDF qui met en danger le modèle économique de l’entreprise. Mais cette débauche de moyens a peut-être permis l’émergence d’une conscience collective sur les problématiques énergétiques : oui l’énergie coûte cher et est précieuse. Le photovoltaïque possède deux arguments de poids : sa production extrêmement décentralisée permet de limiter les pertes lors du transport et la matière première des panneaux classiques est surabondante (70% de l’écorce terrestre est en silicium). Son coût est sans aucun doute le facteur limitant. Son rendement de 20% est certes bien inférieur à une centrale thermique (40%), mais pas discriminatoire vis-à-vis d’une centrale nucléaire (30-36%) et il tend à s’améliorer avec des techniques de couplage avec les chauffe-eaux solaire (DualSun) ou VMC (Systovi). Malheureusement ses avantages ne sont pas tous exploités : peu d’utilisateurs peuvent directement utiliser l’énergie produite sur leur toit pour alimenter leur habitation. Il en découle des situations aberrantes lors des coupures du réseau électrique : des usagers produisent plusieurs kilowatt d’électricité qui sont perdus car non injectés sur le réseau mais ils s’éclairent à la bougie et regardent leurs radiateurs froids durant plusieurs jours... Bien sûr dans des pays très largement ensoleillés cette technologie est plus rentable, mais abandonner son utilisation, et donc les développements futurs, serait une erreur : dans le centre de la France la puissance déposée par le soleil est d’environ 175W/m². Reste une grande problématique : les panneaux sont certes en silicium mais leur production nécessite souvent l’utilisation de métaux lourds, nocifs, et de grande quantité d’énergie. Ces processus doivent être contrôlés et répondre à des normes strictes. Les crédits d’impôts sont là pour développer notre pays, pour encourager une véritable transition écologique et ne doivent pas servir à financer des industries polluantes.

Symbole à la fois Gaulien de notre indépendance et communiste de l’énergie populaire, le nucléaire civil est une opportunité intéressante pour réduire la part des énergies fossiles dans le mix énergétique. La comparaison des production électriques entre la France et l’Allemagne, en 2011, est flagrante : 75% issu du nucléaire contre 19% et 10% issu des énergies fossiles contre 59%, ajoutons la part d’énergies renouvelables : environ 15% pour la France et 19% pour l’Allemagne. Sans aucune hésitation l’énergie nucléaire permet de produire une électricité libre de gaz à effet de serres, en effet l’Allemagne est souvent montrée en exemple pour le développement des énergies renouvelables, mais n’oublions pas de pointer du doigt les 57% de leur mix énergétique issue de la combustion de charbon, lignites, pétrole et autres gaz. Sans parler du désastre écologique que représente l’extraction de ces dizaines de milliers de tonnes de combustible des sols d’Allemagne et d’ailleurs. Mais l’énergie nucléaire pose de sérieux problèmes en terme de sécurité, nous avons tous en tête Tchernobyl et Fukushima, ainsi que de traitement des déchets. Ces failles de sécurité étaient nombreuses sur les réacteurs anciens, tel que les REP toujours en activités, et si elles le sont moins sur les réacteurs modernes, tels que les EPR (simple évolution des REP) en construction, la future génération pourrait donner des garanties aujourd’hui inaccessibles tant en terme de sécurité qu’en terme de combustion des déchets. Dans ces conditions, proche de l’idéal, l’énergie nucléaire pourrait être un bon candidat pour amorcer la transition énergétique. Tout comme les gaz de schiste ce ne serait pas une fin en soi mais une technologique transitoire, sur 60 ou 100 ans, qui permettrait de répondre rapidement au défit mondial qu’est le drame climatique qui se jouera dans les prochaines années et au défit national qu’est l’indépendance énergétique.

A plus long terme des sources nouvelles devrons être trouvées pour effacer la fission nucléaire de notre mix énergétique. L’avenir est aux productions propres, sans aucun rejet, renouvelables et souples mais aussi probablement décentralisées. Personne ne peut prédire ce qu’elles seront : fusion nucléaire (iter), photovoltaïque à haut rendement, biomasse, ou encore autre chose auquel nous ne pensons pas aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, si la production d’énergie est essentielle, la réduction de la consommation ne l’est pas moins.

Bien sur l’énergie n’est pas tout, la politique écologique doit s’intéresser aux déchets, au recyclage, à l’eau, à l’air, etc.


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Sources :
*chiffres de 2008, Ministère de l’écologie
**calcul sur des données INRA
http://www2.ademe.fr/
http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/
http://www.les-crises.fr/climat-3-pays-emetteurs/
http://fr.wikipedia.org/

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